Nous assistons à une chute vertigineuse de l'école publique, j'aimerais que nous en parlions ensemble, nous, parents, pour essayer de comprendre ce qui se passe vraiment...
Je dis bien, venez parler en tant que "parents" ou "grands parents" ou "citoyen" car avec le devoir de réserve, comme un blog est désormais un lieu public, certains pourraient être menacés dans leur poste pour oser s'exprimer.
Je pense que cette année va être décisive, soit les gens prennent vraiment conscience de ce qui se passe et arrivent à faire bouger les choses, soit nous dépasserons le seuil critique qui nous empêchera de sauver notre école...
Les symptômes:
En France:
- Suppression de postes supplémentaires chaque année, pour la prochaine rentrée 2011, 16 000 postes supplémentaires vont disparaître alors qu'on attend une augmentation du nombre d'élèves dans le primaire.
- Suppression des équipes pédagogiques de soutient aux élèves en difficulté (RAZED, PSY, classes adaptées).
- Re-modélisation des rythmes scolaires avec le soucis de FAVORISER l'industrie du tourisme.
- Primes à la performance pour les chefs d'établissements (6000 euros / 3 ans) comprenons bien que le but est d'encourager ceux qui appliquent les réformes et de casser ceux qui s'y opposent et surtout le but est de DIVISER pour mieux régner. Quels seront les "indicateurs" de performances ? QUI va prendre ces indicateurs ??? Eh bien, les même que ceux qui auront la prime... Indépendance = zéro.
Comment les syndicats ont-il pu accepter ça ???
- Médiatisation à outrance de l'idée de "violence" et d'"échec" scolaire.
- Précarisation des familles déjà en difficulté en supprimant les allocations familiales en cas d'absentéisme scolaire.
- Evaluations en primaire sur lesquelles plane la menace qu'elles soient au final utilisées pour sélectionner les écoles.
Maintenant, élevons nous du cas Français avec la lecture attentive de cette petite phrase de Mr Luc Chatel, le ministre français actuel de l'éducation nationale qui nous déclare…
les chefs d'établissement bénéficieront de rémunérations variables selon leurs performances,
«comme cela existe dans l'immense majorité des entreprises de notre pays».
Parce que le problème est bien là, l'éducation est considérée comme une "ENTREPRISE", comme une denrée "COMMERCIALE".Voyons donc ce qui se passe au niveau mondial...
C'est à l'OMC qui faut jeter un coup d'œil, dans l'Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS) et je vous engage à lire les quelques textes officiels disponibles en français, voici un lien sur un site de l'OMC pour cela :
Site de l'organisation Mondiale du Commerce en Français…. Principes des accords généraux sur le commerce des services….très instructif
http://www.wto.org/french/tratop_f/serv_f/gatsqa_f.htmEt voici un bon résumé de la progression vers la commercialisation de l'éducation, fait par un chercheur français,
Mr Daniel MOATTI, avec plein de liens utiles sur des textes législatifs, ICI.Article 1-3-b : l'AGCS concerne tous les services dans tous les secteurs, à l'exception des services fournis dans l'exercice du pouvoir gouvernemental.
Article 1-3-c : Un service pour échapper aux règles de l'AGCS ne doit être fourni par le gouvernement, ni sur une base commerciale, ni en concurrence avec un ou plusieurs fournisseurs de services.
Certains pays peuvent momentanément «protéger» certains secteurs. C'est ce qu'à fait la France pour l'éducation, la santé et la culture. Une fois cette protection levée, les services concernés seront sous le coup des articles 1-3-b et 1-3-c de l'AGCS et pourront être engagés dans les offres de services commercialisables. Or la France est rentrée dans une logique de libéralisation de ces services et influence les autres pays pour qu'ils les libéralisent aussi... Donc ?
L'organisation ATTAC a mis en ligne un excellent résumé des textes législatifs, en français, je vous invite à le lire ici
http://attaceducidf.gardiendutemps.org/agcs/docs/urfig-agcsmenacesprecises.htmEssayons d'imaginer quelle serait la démarche de personnes persuadées que l'éducation doit être une denrée commerciale et décidées à l'appliquer dans des pays où les gens ont la tradition de penser le contraire et ne se voient pas en "consommateurs" de l'éducation mais en "usagers"...
Attention, lecteur attentif, les faits énoncés dans le paragraphe suivant sont issus de mon imagination, toute ressemblance avec des faits réels serait purement fortuite bien sûr...
- Diminuer les moyens du public, vider l'école de sa substance, surcharger les classes, diviser et précariser le corps enseignant, l'empêcher de s'exprimer, favoriser le privé, alerter sur la violence à l'école, inquiéter sur le manque d'avenir des enfants dans les institutions publiques... pour que les classes moyennes inquiètes de l'avenir de leur progéniture finissent par déserter d'elles même l'école publique en faveur du privé... Faire les choses progressivement, commencer par supprimer l'école maternelle pour que le fait qu'il faille payer pour éduquer devienne "naturel". Attaquer sur tous les fronts, financier, statutaire et qualitatif, sur la représentation de la "valeur" de l'école dans la population, jouer sur les émotions, sur la "PEUR". Et, si on suit la logique jusqu'au bout introduire des concepts "d'entreprise" dans l'école, des notions de "concurrence commerciale" ... Et voilà, en une génération on passera à une logique marchande, hop.
Waou... ça semble de la science fiction non ?
Alors, bon, nous avons l'EUROPE pour nous protéger on va dire...
Que se passe t-il au niveau de l'Europe par rapport aux directives de l'OMC ?
Tenez vous bien...
En 1995, l'Europe s'est engagée pour 12 des 15 pays (l'Autriche, la Finlande et la Suède ont refusé d'entrer dans ce mécanisme) à ne pas imposer de nouvelles mesures qui restreindraient l'accès au marché dans quatre des cinq secteurs du " marché de l'éducation ".
Depuis 2001, la commission sort régulièrement des notes à l'OMC, demandant la libéralisation des services, y compris l'éducation...
Cette année, je suis bien sûre que les syndicats vont nous appeler à la grève pour protester contre la suppression de postes ou une autre mesure ponctuelle. Mais je vois maintenant cela comme une manœuvre supplémentaire de division et de "noyage de poisson".
Ce n'est pas contre les symptômes que nous devons nous battre. Nous y perdons nos forces, notre unité, nous perdons de vue le fond du problème.
Nous devons affirmer quelle est l'idée fondamentale que nous nous faisons de l'éducation de nos enfants !
Considérons nous, comme nos gouvernement que oui, c'est une denrée commerciale et que donc nous devons accepter une logique de productivité, de concurrence, d'"entreprise"?
Ou bien considérons nous au contraire que l'instruction n'est PAS une denrée commerciale, qu'elle n'en n'a pas la logique et que donc RIEN ne dois associer l'instruction de nos enfants à des valeurs de productivité commerciale ?
Chaque citoyen doit se prononcer sur cette question fondamentale c'est toute une vision de la société qui est en jeu, c'est la formation de la pensée des générations futures dont nous parlons. Arrêtons de nous laisser enfumer et répondons sur le FOND. Même, et Surtout si justement nos politiques font en sortes que nous ne nous posions pas ces questions là.
Et chacun doit aussi réfléchir aux conséquences d'une voie ou de l'autre. Si nous acceptons de soumettre l'instruction des enfants d'une nation aux lois de l'offre et de la demande, cela ne favorisera que le marché (pas les consommateurs), et le positionnement "d'équilibre" du prix exclura forcément tous les enfants défavorisés. L'instruction sera alors là pour renforcer les inégalités sociales et nous irons vers une société de plus en plus divisée.
Si nous refusons que l'instruction soit assimilée à une denrée commerciale, à un service, à une entreprise, nous devrons faire un effort permanent pour protéger l'école contre une logique productiviste. Nous devrons aussi accepter de définir ce que nous voulons transmettre à la jeune génération en tenant compte de son profil et en adaptant en permanence notre école pour intégrer tous les enfants quels que soient leur niveau socio-culturel, leur origine ou leurs performances cognitives. La société devra accepter d'investir de l'argent dans ce service public sans chercher à le rendre rentable.
Le peuple doit se prononcer. Si nous sommes dans une démocratie, et si la majorité d'entre nous croit que l'éducation ne doit pas être une denrée commerciale, alors nous devons exiger des politiques qu'ils appliquent LA VOLONTE du PEUPLE et non des directives issues de puissances supranationales.
Amen...
Nb. Waou, 2 posts politiques qui se suivent, vous allez me penser surdosée ;-) Aller, promis, après je reviens aux recettes de cuisine...