jeudi 6 novembre 2008

Considérations génétiques et chirurgie destructrice...

La première chose qui me vient à l'esprit à propos de ce risque génétique c'est « je m'en serais bien passé »!

Peut être que c'est le premier réflexe, que c'est normal, l'envie de se boucher la vue...

Je me souviens d'un conversation, avec un proche, médecin, où il me disait qu'il ne comprenait pas l'attitude de patients qui, après l'annonce d'une maladie grave, disparaissent dans la nature et ne reviennent pas se faire soigner...

La PEUR !

C'est normal de fuir.

Pour autant ça n'a pas été mon attitude, mais je comprends ceux qui fuient. Je les comprends mais ils ont tort car en fuyant ils vont vers une mort certaine.

Encore que, nous sommes tous certains de mourir, évidemment, mais nous essayons de finir le plus tard possible et bizarrement espérons mourir « en bonne santé ».
Comme ces condamnés à mort qu'on retape avant l'injection mortelle.

Curieux.

Dès l'annonce de mon cancer j'ai pensé au risque génétique. Je savais que ma mère, ma tante, ma grande tante étaient passées par là... Après plus de recherches j'ai découvert 5 cas de cancer du sein dans ma famille, toutes ménauposées, plus un cas de cancer de la prostate. Je suis le septième cas... La première trentenaire...

Malheureusement pour moi (mais heureusement pour ma capacité de réaction), ce sont des choses que je comprends bien. Et malheureusement aussi je suis capable de comprendre que si il existe bien une prédisposition génétique, et puisque je suis le premier cas « jeune », dois-je craindre une aggravation de la mutation dans mon cas ?

J'ai eu le temps d'y penser...

Annonce de ma maladie en Octobre 2007... Dès le début je parle des cas dans ma famille... En janvier 2008 seulement on ACCEPTE que j'aille à la consultation génétique et on me donne le RDV pour Septembre 2008 !
En septembre on me prélève un peu de sang et on calcule une probabilité de risque génétique... à près de 80% le temps d'analyse des échantillons sanguins (le séquence génétique) et donc la réponse formelle dans 9 mois...

Donc quasiment 2 ans avant avant la réponse... C'est long, très long !.

Manque de personnel formé...
Manque de sous...
Manque d'écoute...

Mais en attendant moi je dois faire avec et prendre des décisions...

La première décision c'était évidemment de le faire, ce fameux test... Le faire pour pouvoir agir, pour montrer aux médecins l'importance du risque et être mieux soignée, pour qu'on m'entende enfin sur mon désir de prévention par la chirurgie...

Il y a une chose terrible qui m'a faite hésiter... C'est le poids de ce savoir génétique sur mes proches et sur mes enfants !

Supposons que le test soit positif...
Soit mes enfants devront porter le poids de l'angoisse des 50% de risque d'avoir eux-même le gène prédisposant au crabe, sans pouvoir savoir avant leur majorité, soit nous devrons vivre avec ce terrible secret pour essayer de leur préserver une enfance heureuse...
Sans doute un peu des deux.
Je ressens déjà à quel point tout cela est lourd à porter et je crains déjà que mes filles ne comprennent trop vite.
Mais d'un autre côté, ne pas faire le test et ne pas savoir c'est leur faire courir un risque important. A quel âge le cancer pourrait se développer si la mutation continuais de s'aggraver ? Existe t-il des cancers du sein chez les adolescentes ?
Et pour mes sœurs, et pour mes cousines, et pour ma mère, savoir ce que l'on affronte est important pour le combat de toutes. Les hommes aussi ne seront pas épargnés, en cas de mutation BRCA2 ils ont un petit accroissement du risque de cancer de la prostate...

Dans tous les cas je devrai gérer cette terrible culpabilité maternelle de transmettre potentiellement la terrible maladie à ceux que j'aime le plus au monde. C'est triste parce que ma Maman ressent elle même cette culpabilité stupide, elle me l'a dit, alors que moi je ne reporte pas du tout mon regard et mes angoisses sur elle, je suis juste triste que ma Maman chérie ait elle aussi à traverser de telles épreuves. Mes enfants penseront sans doute la même chose quand ils seront adultes.
En fait, je pense que cette culpabilité ne vient pas de l'accusation de nos enfants mais de ce que nous mettons dans notre rôle de mère... Et évidemment, donner à nos enfants le maximum de chances de vivre une belle et longue vie, cela cohabite mal avec la transmission d'un crabe...

Et l'autre culpabilité, celle de prendre le risque de les laisser orphelins... La peur de la mort, la peur de laisser des jeunes enfants sans mère...

Parce qu'il faut se hâter, le risque est là.

J'ai choisi de combattre, de mettre le maximum de chances de mon côté, je l'ai promis à ceux qui m'aiment. Je n'ai pas promis de survivre, j'ai promis de faire mon maximum pour...

Et là, on peut tourner le problème comme on veut, si on veut réellement diminuer le risque au maximum il n'y a que l'ablation de l'autre côté et des ovaires, PLUS la surveillance encore...

C'est compliqué parce qu'on peut retourner le problème dans tous les sens il faudra toujours prendre une décision sur un « risque », par essence quelque chose dont on n'a que des données statistiques donc pour laquelle on ne saura pas prédire si cela va se produire ou non pour un individu donné.
Il faut pourtant choisir une voie et admettre qu'on puisse se tromper et faire tout cela pour rien, soit parce que le cancer n'aurait jamais re-sonné à notre porte, soit parce que quel que soit la prévention il nous emporte quand même au final.
C'est un « risque », on ne sait pas, mais il faut décider...

J'ai pris la décision de demander l'ablation du sein restant SANS ATTENDRE les résultats du test génétique mais d'attendre ces résultats pour décider de l'attitude face au risque ovarien.

Pourquoi ?

Beaucoup de gens me l'ont demandé, certains m'ont encouragée, d'autres ont grincé des dents.

Pourquoi ?

Plusieurs niveaux de réponse.

D'abord, le risque. Même en imaginant que le test génétique revienne négatif, cela voudra dire que les deux mutations explorées ne sont pas présentes.
On n'explore que 2 chromosomes qui correspondent à 2 mutations, BRCA1 et BRCA2, connues pour être à l'origine de la majorité des cas génétiques.
Mais, avec 7 cas dans la même famille et un premier cancer de 8 cm à moins de 40 ans, une probabilité génétique de 80%, il est plus que raisonnable de penser qu'il y a « quelque chose ».
Avec mutation génétique BRCA, le risque de cancer avant 70 ans est de 40 à 85 %, le risque de cancer ovarien de 10 à 63%...
En l'absence de mutation du type BRCA, j'ignore la teneur exacte du risque.

Que ce quelque chose soit génétique (sur d'autres gènes) ou le résultat d'une exposition peu importe finalement pour cette décision là. Le risque de nouveau cancer est énorme.

Mais enfin, pourquoi réaliser une mutilation alors qu'il suffit de surveiller le sein et traiter si un nouveau cancer survient !?...
Que j'ai détesté cette question souvent clamée de façon péremptoire...

Je sors de l'enfer, un enfer fait de stress, peur, douleur, traitements, tristesse, regards de mes enfants, désintégration de ma vie... Ya qu'à y retourner ?
Je n'ai pas ce courage là!

Et puis je me sens « survivante », ou « en sursis » selon mon optimisme, j'ai l'impression d'une première bataille gagnée, d'une longue guerre qui s'annonce et je ne veux pas ouvrir un nouveau front. En d'autres mots, je ne veux pas tenter le diable une seconde fois...

Il y a un argument contre que l'on m'a tellement sorti que j'ai fini par me demander s'il arrivait vraiment à prendre le pas chez certains sur les questions de survie... c'est l'apparence physique.

Ahhhh oui, l'apparence physique.
Que sans seins une femme n'est pas une femme.
Que les hommes cessent de désirer les femmes après les mastectomies et s'enfuient.
Que les femmes ne peuvent plus supporter leur image.

Et de mettre cela en balance avec le gains de chances de vivre sans cancer...
Avec l'ablation du sein restant, le risque passerait autour de 5 à 8%... Inférieur à celui de la population générale... C'est loin d'être négligeable !

Chacun voit midi à sa porte, chaque femme concernée doit réfléchir et décider dans son âme et conscience.
Pour moi je refuse de mettre en balance mon apparence physique avec le gains de chances d'échapper à un retour du crabe...

Ma poitrine a servie à ce à quoi elle devait servir, à allaiter. J'ai allaité longtemps mes 3 enfants, j'en suis fière, j'ai le sentiment du devoir accompli. Pour moi cela a toujours été plus un organe d'alimentation de mes bébés qu'un objet sexuel. Ces choses là sont subjectives surtout chez la femme. Dans une certaine mesure c'est une chance pour moi que mes seins n'étaient pas totalement investis du rôle de l' »Objet sexuel » avec un grand « O », image que l'on voudrait bien nous vendre à tous les coins de rue.
Je parierais ma chemise que je ne suis pas la seule femme pour qui les seins ne sont pas très sexuels, mais je subis comme toutes le poids de la société de consommation pour qui le corps de la femme et ses attributs mammaires en particuliers sont des objets investis dans le but de vendre...
Mais par contre les hommes sont souvent très sensibles à ces attributs et leur plaire, (surtout à mon chum), reste un de mes soucis.

Mais oui, cette décision est douloureuse. Mais oui j'ai peur de me sentir encore plus moche. Mais oui, maintenant qu'on me l'a rabâché j'ai peur que mon corps ne puisse dégoûter mon homme et il a beaucoup à faire, le pauvre, pour me rassurer. J'ai aussi peur d'avoir mal.

On m'a proposé de faire une reconstruction en même temps.
J'ai vu des photos de reconstruction... C'est « gothique » pour le moins. Un changement de style dirons nous. J'ai trouvé cela moche. J'ai compris que ce serai douloureux et en plusieurs opérations, que le résultat n'était pas garantit que je me sentirais peut être mieux sans rien.

Mais je le ferai.
Pour mon homme pour le poids du regard de la société, pour mon regard sur mon corps...
Je ne ressens pas, en tous cas, l'idée de la reconstruction comme une « atténuation » du choc de la destruction de mes glandes mammaires. C'est une épreuve et une étape en plus.

La dernière épreuve sera ensuite, peut être, l'ovariectomie.
Elle est tellement porteuse d'effets secondaires, que le calcul bénéfices sur risques est impossible à faire sans la donnée génétique. Alors j'attends...

14 commentaires:

  1. Il est midi, et c'est TA porte. Bravo. Courage.

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  2. Tili tu nous démontres, s'il en était besoin, à quel point ta décision est l'aboutissement d'une réflexion approfondie, qui ne s'est pas épargnée les questionnements difficiles. Suis le chemin que tu t'es tracé, qui fait que tu es toi. Je ne doute pas que ton chum considère que c'est une chance et un grand bonheur de partager ta vie, d'être ton élu, même si son amour pour toi lui fait vivre certaines douleurs, angoisses, inquiétudes.
    Je n'ai envie de te dire qu'une chose: "continue avance!", et merci de ce dont tu témoignes. De femme à femme.

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  3. Que de choses exprimées... J'ai vraiment envie de te dire comme Plume : "Suis le chemin que tu t'es tracé" et aie confiance en ta capacité de discernement... Je me demande aussi comment font les gens qui n'ont aucune connaissance médicale...
    Courage et bises...

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  4. Que de choses exprimées... J'ai vraiment envie de te dire comme Plume : "Suis le chemin que tu t'es tracé" et aie confiance en ta capacité de discernement... Je me demande aussi comment font les gens qui n'ont aucune connaissance médicale...
    Courage et bises...

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  5. On conçois qu'il soit difficile de considérer comme objet de plaisir un organe qui fut source de tant de douleur dans ta lignée.
    Alors oui, dès fois, faire le choix de vivre sans , c'est faire le choix de vivre.
    tu ne saurais être résumée à aucune partie de toi.
    Plein de bises.

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  6. Bonjour Tili,
    Je me retrouve à 100% dans tes propos; réflexion profonde, douloureuse, parfois lumineuse (sisi!) jusqu'à devenir une évidence:): oui, ça y est je suis prête, j'y vais! me faire reconstruire...je viens de le vivre. J'en témoigne sur le site des Impatientes.
    Bon courage. Je t'embrasse
    nilou (sandrine)

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  7. Les paroles d'Anita m'ont fait repenser aux paroles de Salomé agée de 7 ans.
    Je pleurais parce que je venais d'apprendre que l'ablation de mon sein était obligatoire et urgente.
    "Pourquoi tu pleures ,maman ?"
    La première chose qui m'est venue à l'esprit c'est :
    "Je suis triste,on va m'enlever le sein qui vous a allaité toi et ton petit frère ."
    "Mais ce n'est pas ton sein qui nous a allaité, c'est toi !"
    Je n'ai jamais entendu phrase plus revigorante.
    "tu ne saurais être résumée à aucune partie de toi."
    C'est exactement ainsi !

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  8. Trop douloureux pour moi pour réagir sur l'instant.

    Juste des pensées et des bises pour te soutenir dans ton cheminement.

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  9. "Je parierais ma chemise que je ne suis pas la seule femme pour qui les seins ne sont pas très sexuels" et tu la gagnerais sans problème : pour moi aussi, mes seins ont été des coussins moelleux, des biberons tendres, moments magiques de calins avec mes titis que rien ne pourra me faire oublier. Leur perte , pour moi, ne représenterait rien par rapport au bénéfice en terme de chances de non-rechute !! Nos enfants et notre mari nous aiment en entier.. pas pour ces deux demi-sphères...

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  10. moi j'en ai pas de chum alors avec un demi sein ça va pas etre facile!!! mais je suis comme toi hésitante face à cette nouvelle douleur qui ferait que le monde n'en saurait rien,que l'apparence serait sauvée,que mon petit garçon ne regarderait pas ma cicatrice de pirate et que mon ado ne me piquerait pas mes cols en V parce que toutes les façons ils ne me servent plus.....courage pour eux,pour nous

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  11. ouff je viens de te lire ma belle..
    tu sais, hier je regardais des photos passé, j'arrête sur une photo, j'ai un bébé avec moi, il souris ce bébé.. c'était une de tes fille, on était chez Téquila et j'ai penser beaucoups a toi depuis le temps que je pouvais te voir et jaser a ce temps ci..
    tu es forte ..
    bon courage avec cette décision
    sylvie..
    une femme est une femme sein ou pas...

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  12. Merci d'avoir mis tous ces mots sur ce que tu vis, ce à quoi tu réfléchis. Bisous.

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  13. Tous tes mots montrent a quel point tu sais ce que tu fais, ce qui sera le mieux pour toi. Mieux vaut peut etre vivre sans seins et etre en vie que morte avec des seins...
    Tout cela n'est pas facile mais tu sembles etre si active, courageuse et informee que je ne doute pas que tout marchera dans ton sens.

    Par contre, encore une fois, je suis effaree de ces delais, ce n'est quand meme pas normal!

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  14. Je viens tardivement mais j'ai envie de laisser aussi ma réaction. J'avais un jour été choquée par l'interview d'un pédo-psychiatre qui argumentait contre l'allaitement prolongé en disant plus ou moins "il faut savoir dire à l'enfant, ce sein n'est pas pour toi, c'est le joujou de papa"
    Pardon ? Non les seins n'ont pas été faits pour que les papas s'amusent mais pour allaiter les enfants. Et en tout état de cause, ils n'appartiennent ni aux uns ni aux autres mais à la femme qui les porte!

    Bien sûr que tu as le droit d'échanger tes seins contre une espérance de vie, le mari qui ne comprendrait pas cela aurait selon moi une curieuse conception de l'amour, et les "gens" n'ont rien à dire devant ce genre de décision tellement personnelle.

    Tu penses que plus de femmes qu'on ne le croit n'ont pas une vision très sexuelle de leurs seins ; certains hommes heureusement ne réduisent pas non plus la séduction de leur femme à la taille et la forme de ses seins.

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