dimanche 3 février 2008

Carrefour des vanités




J’ai demandé à mon chum de prendre mes yeux en photo pour avoir une image de mes cils et sourcils avant qu’ils ne tombent… J’ai regardé ces photos en essayant d’imaginer ce que va représenter ce regard sans ses vêtements de poils.
Vanités…
Je n’avais pas osé écrire à des amis et anciens collègues médecins pour ne pas qu’ils me voient comme une « malade » pour ne pas changer mon image, pour ne pas passer du mauvais côté de la barrière.
Vanités…
J’ai pris garde de ne pas écrire jusqu’ici à quel point j’ai peur de mourir.
Vanités…
Je prends des notes dans les salles d’attente pour rester dans le bon camp, celui de ceux qui agissent, celui des analyseurs et non les analysés, pour garder le contrôle des événements.
Vanités…
A ceux qui ne veulent pas entendre que le cancer pourrait m’abattre qui pensent qu’il suffirait de se « battre », comme eux, pour rester immortelle.
Vanités..

14 commentaires:

  1. Non, il ne suffit pas de se battre. Mais si on ne se bat pas, il gagne. C'est injuste. Mais hélas, c'est comme cela.
    Alors, si vous vous battez, nous, les inconnues, vous aiderons, il suffit de nous dire comment.

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  2. Comme Névrosia, je pense qu'il ne s'agit pas de 'vanités' mais plutôt tout à la fois de la bonté, de la générosité et de la gentillesse.

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  3. Cela ne fait pas très longtemps que je te rends visite sur ton blog et je ne l’ai pas encore entièrement parcouru, mais tout ce que j’y ai lu m’a touchée.
    Je suis comme toi atteinte d’un cancer du sein, mais j’ai la chance de me trouver sur la bonne « queue » de la courbe gaussienne des cancéreuses (tu vois que j’ai lu !), puisque j’échappe à la chimio. Je ne vivrai donc pas, au moins pour cette fois, cette cruelle disparition des attributs … de tous poils, mais je comprends bien ton appréhension.
    Ce soir, je suis restée quelques minutes à « te regarder dans les yeux », avec à l’esprit cette phrase poignante que je venais de lire : « J’ai pris garde de ne pas écrire jusqu’ici à quel point j’ai peur de mourir. ». C’est vrai, c’est une peur que l’on n’ose pas exprimer devant ses proches car on a à cœur des les épargner ; et si on se risque à le faire devant des gens qui peuvent plus facilement écouter notre angoisse, la question est écartée par un « de nos jours ça se soigne bien…il faut rester optimiste… ». Ce n’est pas faux, globalement on s’en sort de mieux en mieux (toujours ces fichues statistiques !) ; mais la peur de mourir quand on se sait atteint(e) d’un cancer est tout à fait légitime, et je pense souvent à Pierre Desproges qui disait : « "Je vous donne quatre mots, trouvez l'intrus : métastase, chimiothérapie, Schwarzenberg, avenir".
    Pour ce qui est de tes sourcils, leur dessin frise certes la perfection (je ne me moque pas, c’est vrai !), mais ce qui fait la beauté de ton regard, c’est toute l’intelligence et l’humanité que l’on y lit … et la chimio n'y changera rien.
    Bon courage à toi,
    Sophie

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  4. Je te lis depuis quelque temps. Avec "plaisir" n'est pas le mot adéquat, avec "douleur" plutôt.

    Rien de vaniteux chez toi, non, au contraire !

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  5. Vanités ou coïncidences (sourire) la maladie est une croisée des chemins, un 'carrefour' de vie... Une exploration un peu accelérée d'expériences diverses, de sagesse imposée...

    Et tu parles de vanité... Chez moi elle se nomme plutôt orgueil (blessé)... La maladie m'a dépouillée et ne m'a laissé que le 'vrai'...

    Je déteste cette expression 'se battre', j'avais écrit une bafouille sur ce sujet il y a presque un an, je me permet de te la faire partager, ici:


    jeudi 19 avril 2007
    Martial-attitude

    "Il faut se battre...lutter...résister...trancher... dissoudre...partir en guerre*...vaincre le crabe..." [liste non exaustive et relativement édulcorée]

    Voilà ce que j'entends souvent, et je reste étonnée devant ce vocabulaire somme toute guerrier et violent, non pas que je sois une pacifiste engagée, mais plutôt disons que j'ai quelques difficultés à entrer en guerre contre moi-même. N'est-il pas mh? Je ne me sens pas 'crabéifiée' ni 'habitée par un crabe' : je sais par contre que ce sont certaines de mes cellules qui sont malades, et se développent de manière étrange, mettant ainsi ma vie en danger...
    Soit.
    Mais il me semble plutôt ressentir une profonde empathie pour ces cellules souffrantes, une forme d'amour tourné en dedans qui désire comprendre, apporter soins et guérison.

    Ce qui requiert des aptitudes au combat en revanche, ce sont les violences faites à mon corps, à mon âme, et ce par des thérapies proposées en toute légitimité, au nom de la survie...


    J'ai aimé découvrir ton regard, et encore et encore lire tes textes, je t'ai moi aussi ajoutée (avec grande fierté héhé ) dans mes liens!

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  6. T'as d'beaux yeux Tili!

    Et puis tu sais, à propos de sublimer dans l'adversité en écrivant dans les salles d'attentes... en psycho ça s'appelle un "mécanisme de défense", et la sublimation, crois-moi, est la défense la plus efficace et la plus positive qui soit.
    Alors tu as sans doute peur de mourir Tili, comme on l'aurait tous à ta place, mais tu te défends royalement alors continue comme ça!
    ;o)

    (et merci d'avoir rendu possible ce com'!)

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  7. Si Gabin t'avait rencontrée, sûr qu'il aurait dit : "t'as de beaux yeux tu sais..."
    Vanités, dis tu ???
    Je suis complètement d'accord avec Névrosia et je dirai aussi simplement "Humanité" et je m'inclinerai en toute humilité devant ce témoignage d'humanité !
    Se battre ???? Mais quel poids, quelle pression ! Comment peut on mettre autant de pression sur le dos de quelqu'un qui fait déjà tout pour se soigner ? Je pense souvent aux personnes atteintes de cancer car bien souvent j'entends les autres - ceux qui en sont épargnés pour le moment - se demander comment il ou elle a bien pu "se le faire" ce cancer ? Soupçon, responsabilité, culpabilité ? Je m'insurge devant tout cela. Ce n'est vraiment pas juste...Et que de violence dans ce discours !
    Je crois que c'est vraiment une bonne idée d'avoir créer ce blog où tu peux t'exprimer librement avc tes peurs, tes angoisses mais aussi ta joie de vivre qui est bien là bien réelle...

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  8. Mais avant tout tu es toi. Dire ou ne pas dire ta maladie, ne me semble pas à moi non plus être une marque de vanité. Se protéger aussi est nécessaire pour garder ta force de vie.
    Et puis oui, tu as de beaux yeux!

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  9. bonjour, je te découvre seulement maintenant, ne t'inquiète pas pour tes "attributs" je dis ça, mais je suis en train de perdre les miens, et ça me saoule !!!!
    côté cheveux pour le moment le casque marche, donc je les ai encore ... pour combien de temps ????
    allez courage et je reviendrai te voir souvent

    bisous

    CATHERINETTE des essentielles

    http://cancerinette.skyrock.com

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  10. tout a été dit , je crois. Je vous fais un gros bisou parce que ma vanité à moi, c'est de croire que ça peut apporter un peu d'humanité.
    Bisous

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  11. Aucune vanité ne pourra gâcher le mérite d'écrire sur cette épreuve et le courage de partager les moments d'angoisse , courage qui aidera d'autres personnes dans la tourmente de la maladie . Tout cela est très positif car nous sommes nombreuses et nombreux a attendre des nouvelles , les commentaires en sont la preuve.
    Ma soeur pestait contre la chimio qui ne l'épilait pas la ou elle aurait voulu, cils et sourcils sont restés .

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  12. Entre fatigue et tension nerveuse, je vous reponds en vrac, je prendrai le temps plus tard peut être de preciser.

    Merci à tous (toutes) de me répondre et de vos mots gentils. S'il me reste un peu de courage je veux bien le partager avec mes conseurs (confrères) malades, c'est dur pour tous y compris pour ceux qui nous entourent.

    sinon, je maintiens, "vanité" mais l'humanité est peut être vaniteuse ?

    Lulu, oui, malheureusement je connais par coeur toute la théorie de la psycho, cela ne m'en protège pas évidemment, mais c'est l'objet de la défense qui est en question ici. Et même la mort, au final, faut il s'en défendre ?

    Je suis entièrement d'accord avec Stella à propos de la médecine guerrière, je ferai un post à ce sujet, il y a beaucoup à dire.

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  13. On se croise de temps à autre chez d'autres blogueurs... Aujourd'hui j'ai passé la porte et ne regrette pas ma visite, bien que ton histoire me rappelle de douloureux souvenirs.
    Je voudrais te dire mon émotion et mon admiration, te souffler du courage à travers ces électrons qui nous relient...

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