mardi 29 juillet 2008

Cancer, relation aux médecins et économies sociales

Quand on a un Cancer jeune, moins de quarante ans, il y a beaucoup de choses qui s'enchaînent, beaucoup de contraintes que les personnes plus âgées n'ont pas, beaucoup plus de risques d'y passer, mais si je fais le tour des choses dites et reçues, le traitement et la surveillance sont les même que pour les personnes ménopausées, ce qui revient à accepter que au final ils sont nettement en dessous de ce qu'il faudrait.

Pour mes enfants en bas âge... aucune aide
Pour la perte de ma carrière... aucune reconnaissance
Pour les difficultés sur le couple... un rdv demandé obtenu plus d'un mois après la demande, sans aucune aide concrète et aucun suivi.
Pour le ménage la maison... aucune aide de la sécu (j'ai un lymphodème avec l'interdiction de porter du bras gauche, de me blesser ni même faire piquer par un insecte sur le bras, je dois porter des gants pour beaucoup beaucoup de choses.

A ces difficultés s'en rajoute une pour moi qui est la position insupportable d'une partie des médecins autour de moi qui attendent que je me comporte en “patiente” entendez par là une personne totalement PASSIVE face à ses soins en niant avec acharnement mes compétences de chercheuse et ma capacité à comprendre et à agir face à ma maladie.

S'ensuivent des situations ubuesques où des décisions toutes faites d'ordre moral ou philosophique sont appliquées sans discernement... Quelques exemples...

Au départ de ma maladie, on m'a laissée traîner pendant 2 mois (avec une tumeur qui s'est révélée être de 8 cm) et une secrétaire m'a engueulée de vouloir accélérer les choses en m'assommant de façon péremptoire qu'il n'y a JAMAIS d'urgence pour le premier RDV de cancérologie...

Dès l'opération j'ai demandé à ce qu'on me fasse une mastectomie bilatérale, c'est à dire enlever l'autre sein aussi... Cela m'a été refusé. Jamais quelle horreur de chirurgie destructrice m'a t-on dit... Cela n'aurait pas de vertus préventrices. affirmation qui dans le cas d'un cancer hormono-dépendant me semble discutable !

Quelle est la raison de ce refus ? Pour moi elle se situe plus de l'ordre idéologique et économique... J'ai trop souvent entendu que les femmes qui veulent se faire enlever la poitrine auraient le désir (inconscient) de ressembler à un homme... ou bien que ce sont des angoissées... Mais il faut penser que ensuite elles regrettent ou que leur mari les quitte... et puis ça coute cher à la SECU !

De l'ordre de notre droit à choisir pour notre corps ? Pour notre sécurité ? Pour notre tranquillité d'esprit ? Inexistant, en vivant dans ce système on fini par comprendre qu'il n'existe pas de droit à décider pour son corps, je me sens dépossédée.

J'ai eu une tumeur de 8cm, grade 3, hormono-dépendante avec une micro-métastase ganglionnaire in-situe et rien dans les ganglions à distance... Je voudrais savoir savoir quels sont mes risques de récidive ?

Il me faudra attendre 9 mois et demander sans relâche pour qu'un médecin accepte de me répondre...
Plus de 90% de risques sans la chimio... Avec les traitements, pas de réponse...

Impossible de savoir quels sont les risques avec les traitements, pourtant mon attitude, l'acceptation ou le refus des protocoles d'essais de médicaments, la question de déménager vers une zone moins polluée, la question de savoir si je dois organiser la vie de mon mari avec les enfants pour le cas où je meure sont dépendants de cette question.

Bien sûr je pourrais chercher sur internet sur le Medline... J'ai essayé d'ailleurs. Mais cette recherche est si terriblement angoissante pour moi que j'y ai renoncé.
Je sais que le risque majeur de récidives est dans cette année "post-traitements" qui commence.

Arrive le diagnostic de cancer hormono-dépendant... Dès le début j'évoque l'ovariectomie avec différents médecins. Je me suis faite carrément engueuler par ma gynécologue (qui est pourtant une personne que je considère très compétente au niveau médical) pour OSER en parler ! Pas question, une jeune femme sans ovaire, donc stérile c'est un tabou insurmontable ! Et puis... il y a des risques !

Justement, quels sont ils ces risques ai je demandé à l'hormonothérapeuthe et quel serait le bénéfice en comparaison ?
Le risque de récidive de ce type de cancer semble être essentiellement lié à l'activité hormonale, il est de moins de 20% chez les femmes ménopausées, alors pourquoi ?

J'ai eu là encore beaucoup de difficultés à obtenir une réponse à cette question, un seul médecin acceptera de me répondre clairement... Oui, il semble y avoir un bénéfice à la ménopause, mais les effets secondaires et la stérilité sont dans l'immense majorité des cas mal acceptés par les jeunes femmes.

On m'a proposé de participer à un protocole de recherche sur un traitement qui génère une ménopause (mais je n'ai que 2 chances sur 3 de recevoir ce traitement) dans le protocole il est stipulé que la ménopause peut être soit médicamenteuse soit par ovariectomie.
Quand j'ai lu le protocole, il n'apparaissait que les risques, aucune information sur le bénéfice attendu, pourtant je me suis réjouie. J'avais beaucoup d'espoirs et donc de questions dessus pour comprendre le processus, le risque, ce que je pouvais en attendre. Je savais pourtant que beaucoup des jeunes cancéreuses avaient refusé d'y participer.

Le médecin qui m'a ensuite présenté le protocole, au demeurant une personne avenante, qui s'exprimait avec gentillesse, à récité l'information donnée aux patients, que j'avais déjà lue et comprise, elle n'a répondu à AUCUNE de mes questions... Mes questions sont-elles trop difficiles ? Je voulais savoir les bénéfices attendus, les résultats préliminaires, les études sur la stérilité et la récidive, les premiers résultats de ce protocole européen qui a été lancé il y a 4 ans... Elle refusait que je puisse penser choisir entre un traitement hormonal et l'ovariectomie, “ici personne n'acceptera de vous faire une ovariectomie on ne fera que le traitement hormonal” ... Et où est donc mon libre arbitre ? Et le biais généré dans l'étude ?

Pire, le seul bénéfice qu'elle voyait était qu'elle me “suivrait mieux!”!

C'est vraiment très maladroit (dirons nous pudiquement), cela représente un chantage sur la peur... Il est écrit en toutes lettres dans le protocole que au contraire la qualité des soins est la même quelle que soit notre réponse. Sans cette condition le CCPPRB (le comité d'éthique) aurait refusé la participation de l'Institut.

Je le lui ai dit, gentiment...

Même en comprenant la maladresse de ce médecin je n'en n'ai pas dormi de la nuit pendant une semaine.

Faut-il un protocole de recherche pour avoir une meilleure surveillance ?

Moi qui en ai proposé, des protocoles de recherche à des patients, je comprends ce que veut dire cette femme... évidemment... mais je tâte aussi amèrement le goût de la peur.

Aujourd'hui j'ai demandé si j'allais avoir un bilan complet et où en étaient mes “marqueurs” (ces taux de protéines qui parfois augmentent quand on a une tumeur.

Un des marqueurs a tendance à augmenter mais il est encore dans la limite de la normale, il doit donc être considéré comme normal (tant qu'il n'a pas passé au rouge).
Je demande au médecin ce qu'il faudrait faire pour savoir s'il y a une tumeur qui se développe.
Il me dit qu'il faudrait passer un PET-Scan (on ne m'en a jamais passé) mais que tant que le marqueur est encore dans ses normes il n'a PAS LE DROIT de me le prescrire à cause DES ECONOMIES DE LA SECURITE SOCIALE !

Quand même, on est peu de choses, mais pourquoi appelle t-on encore cela la “sécurité” sociale ?
Moi je veux bien renoncer à tout, à recevoir des indemnités de salaire, des transports (je vais toujours à pied et en transport en commun quelque soit ma fatigue) mais par pitié qu'on me surveille pour de vrai !

... Là aussi je suppose que ce n'était qu'une maladresse du médecin de me laisser percevoir ses contraintes. quel poids pour ce corps médical de devoir compter les sous des soins prodigués quand ils voudraient simplement soigner et rassurer...

Aujourd'hui la machine était encore en panne, pas de radiothérapie, un jour de moins sur mon repos tant attendu et comme le dernier jour était un vendredi, cela passe au lundi. Mon mari devra partir seul le vendredi avec notre petit garçon rejoindre les filles et je resterai là à attendre pour un soin dont, si tout se passe bien, j'ignorerai toujours le bénéfice réel...

Je me sens râleuse en écrivant ce post. J'ai hontes d'exprimer cette colère, je me sens pourtant globalement "bien soignée" mais mal écoutée... Je sais qu'ils n'ont pas le temps, ils me l'ont dit tant de fois...
Triste médecine que celle qui fait de nos corps des objets.

19 commentaires:

  1. Salut Tili je t'ai lu, je comprends ton désarrois, je connais rien au cancer mais je souhaie que tu ais tes réponses. Ici non plus l'aide n'est pas grande. Ma Belle-soeur avait eu un peu d'aide pour le ménage mais c'est elle qui avait du le trouver. le clsc payait quelques heures par semaine.

    Grigri

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  2. Tilli, il faut quitter Curie- j'ai experimenté- trop fixé sur l'"economique" et se tourner vers Gustave Roussy, aussi avancé techniquement et beaucoup plus humain, d'après mon expérience. On peut aussi se faire prendre en charge à l''hôpital d'instruction des armées Bégin, service gynecologie qui fait faire ses "pet scan" au Val de Grâce, sans délais déraisonnables ou directement au sevice oncologie du Val - il n'est nul besoin d'être militaire. il faut tout faire pour trouver une prise en charge humaine. Bises. lucie

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  3. Oui faire transférer ton dossier. Je sais que c'est encore un fardeau très lourd, mais pouvoir participer à son traitement est une condition de guérison depuis que le premier sorcier a secoué un gri-gri.

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  4. c'est lourd tout ça, le cancer reste tabou, malgré tout ce qu'on entend à la tv, tout ce qu'on lit dans les journaux, ça reste un tabou insurmontable pour la plupart des gens, comme si ne pas parler du danger pouvait le tenir éloigné...
    courage ma belle, et n'hésite pas à dire ce que tu penses, ce que tu veux, tu finiras bien par être entendue quand même !

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  5. Merci de vos réponses.
    J'ai du mal à réagir en ce moment. Tous le monde est en vacances, je n'ai moi même plus d'énergie pour affronter le stress d'un changement d'hôpital.
    Je voudrais juste qu'un médecin spécialiste accepte de prendre un peu de temps pour regarder mon dossier et me PARLER. Me dire s'il faut d'autres examens, si je peux faire confiance, si ma vie est en danger, me laisse exprimer mes craintes, mon envie de plus de sécurité au travers d'opérations préventives et me dises honnêtement ce qu'il en est.
    Je ne veux plus de médecins qui regardent l'horloge ou me disent carrément qu'ils n'ont que 5 minutes par patient quand moi, je parles de ma survie.

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  6. Tilli, le stress de changement d'hôpital sera largement compensé par les réponses que l'on te donnera là bas. Il faut sauter le pas, certains hôpitaux sont tellement inhumains et d'autres fondamentalement portés à l'écoute des malades. J'en ai fait l'expérience aussi bien avec G. qu'avec JP.
    Ne connais tu pas un médecin (famille amis ?) qui pourrait te "parrainer" en utilisant son relationnel pour te faire plus vite acceptée dans un des hôpitaux évoqués dans les commentaires ?

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  7. sylvie la toupie30 juillet 2008 à 04:11

    Bonjour ma belle Tili, je passe te lire tout doucement ce matin.
    Je sais pas t'aider mais je trouve ca si injuste, injuste de pas réussir a savoir, a être écouter, a être prit pour une personne et non un numéro.
    Et surtout de ne pas pouvoir profiter de ta famille dans ce moment que tu en as besoin, un besoin essentiel a ta convalescence..
    j'espère de tout mon coeur que ca s'arrangera..
    repose toi
    je pense fort a toi
    sylvie qui est trop loin ..

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  8. Comme Lucie : file à Gustave Roussy (ma sœur s'y est fait soigner); l'hôpital des armées est bon également mais je les trouve peu compatissants (pour les 2, expérience avec ma sœur qui a souffert d'un sarcome d'Ewing comme tu le sais; puis mon père).

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  9. Je n'y connais rien mais je dirais comme les autres personnes, quand ça ne va pas avec un ou des médecins, mieux vaut en changer.

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  10. Etant suivie aussi à Curie , je te conseille de voir Pascale Thys (gyneco-endocrino) dont les qualités humaines ne sont plus à prouver
    c'est vrai aussi que le chef de service d'imagerie nucléaire au Val est top, prêt à passer bcp de tps pour expliquer et réexpliquer
    courage et bonnes vacances

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  11. Quand on se sent plus comme un numero de dossier que une personne humaine en quete d'informations, il est necessaire de chercher ailleurs.
    Je comprends ton desarroi et ta colere. Je trouve ton billet navrant et honteux (pour eux, pour le systeme).

    Courage Tili!

    Au fait, as tu consulte le site de l'ADMR? ils proposent des services d'aide au menage ou aux enfants. Les frais sont pris en charge par la CAF et le conseil general (je crois)

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  12. Je suis désolée de te savoir ainsi :-( Je suis toujours effarée par ce sentiment qui semble habiter ceux qui pensent détenir LA vérité et qui ne prennent pas le temps d'être simplement humain, et de s'adapter à la personne qu'ils ont en face d'eux (et à ses questions).

    J'ai moi aussi de très bons échos de Gustave Roussy, et si vraiment tu penses que ce que font tes médecins actuels n'est pas bon pour toi, ça peut- peut-être valoir la peine de changer même si je comprends bien que cela ne doit pas être facile.

    Je t'envoie plein de pensées positives, et rappelle toi que l'on est là ;-)

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  13. Comme beaucoup de ceux qui t'ont écrit avant je vais te dire : change d'hopital, change de médecins. Tu n'es en aucune façon liée à qui que se soit et si l'équipe qui te suit ne me convient pas, vas voir ailleurs. Non pas qu'ils auront des machines ou des traitements meilleurs (quoi que!!!) mais ils seront peut être plus "prés" de toi, plus à ton écoute... Tu as le droit d'avoir des réponses à tes questions et Dieu sait si on s'en pose quand on a un cancer et ce quelque soit l'âge (toutes tes questions je me les suis posée et j'ai quelques années de plus que toi) et quelque soit le type de cancer. Je ne dis pas que j'ai obtenu toutes les réponses aux questions que je me posais mais j'en ai eu beaucoup et j'ai surtout eu beaucoup d'écoute... alors change d'équipe soignante. Tu en as le droit et je dirai même le devoir pour toi, pour ton mari, pour tes enfants, pour ta vie car, dans le cancer comme dans beaucoup de maladies, la part du "moral" est très très importante. C'est une bataille de tous les jours et elle est importante.
    Je t'embrasse fort et je suis désolée de te savoir mal.. N'hésites pas à en parler et à m'en parler si tu le veux...

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  14. Bonjour à tous,
    Merci pour vos si gentilles réponses.
    Je suis en "vacances" pour quelques jours (trop brûlée par la radiothérapie il fallait faire une pause) et j'ai foncé voir mes enfants, du coup je vais pouvoir fêter l'anniversaire de 7 ans de mes jumelles et ça met du baume au coeur. Mes pensées tournent en ce moment à "quel gâteau au chocolat vais-je faire ?".
    J'ai pu discuter avec mon beau père (qui est médecin) et réaliser certaines choses.
    Je pense que en fait je suis très déprimée et à ce stade là de mes soins c'est aussi sûrement une réaction normale.
    Je ne penses pas être "mal soignée" pas du tout, je penses que je pose des questions "pas classiques" et destabilisantes pour les médecins qui me connaissent mal.
    C'est vrai que contrairement à ce qu'on pourrait souhaiter ces médecins n'ont pas le temps qu'il faut car il y a beaucoup de malades et peu de médecins qualifiés dans un système où on tire en permanence sur le budget...

    Mon beau père me conseille de prendre en supplément un oncologue privé (c'est à dire qui ait un cabinet en ville) et le temps de me parler, de suivre mon dossier. Qui pourra me prescrire des examens supplémentaire si cela est nécessaire et m'expliquer pourquoi. En même temps cela déchargera les médecins de Curie de ma montagne de questions gênantes.

    Je pense l'idée raisonnable, je me met en quête de cette perle rare.
    Il me reste environ une semaine de radio et après, vacances !
    Au retour il faudra que j'arrive à ressentir si le moral est redevenu vaillant, sinon je vous autorise à me secouer pour que j'aille voir un confrère psy pour passer le cap !

    Bisous à tous et merci :-)

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  15. J'ai pris un peu de temps avant de répondre car je me sentais démunie face à ta détresse et ton questionnement auxquels je ne savais quoi dire.
    Mais prendre un oncologue privé me semble une excellente solution. C'est ainsi que procède mes copains qui sont séro+. Ils ont un suivi à l'hôpital et vont voir leur médecin en ville pour parler, pour avoir tout leur temps de poser les questions et surtout le temps d'avoir des réponses claires.
    J'espère que tu suivras ce conseil qui me semble vraiment le meilleur, d'autant plus si tu n'as rien à reprocher à l'équipe médicale qui te suit.
    Bon anniversaire aux jumelles et attention à la crise de foie...

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  16. tili je t'ai envoyé un mail mais je sais pas si l'adresse est bonne. bonne idée oncologue privé.

    onne fete aux jumelles en avance

    grigri

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  17. Bon anniv' aux filles :-D

    Bravo pour ton choix et compte sur nous pour te secouer les puces le cas échéant.

    Des tonnes de bisous.

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  18. Ton beau père a l'air de bon conseil, c'est une bonne idée qu'il a eu là.

    Pour le gâteau, j'espère qu'il sera bon et que tu te régaleras (le chocolat ça remonte le moral ;-) )

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  19. En effet, l'idee de ton beau-pere est excellente, je souhaite que tu puisses trouver un oncologue qui sera a ton ecoute mais surtout prendra le temps de repondre a toutes tes questions sans regarder une seule fois sa montre.

    Bon Anniversaire a tes filles :-)

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