Les choses se déroulent selon un protocole qui semble très variable en fonction des situations. Dans mon cas cela a traîné looooooongtemps au départ :
Radiologue en juin qui a oublié de me dire qu’il fallait une biopsie, gynéco au retour tranquillement des grandes vacances, début septembre, qui a déclenché la première biopsie. Radiologue (un autre) qui ne prélève pas ce qu’a demandé la gynéco à la biopsie. Compte rendu anapath de structure « pré-cancéreuse », comprenez aucune urgence mais nécessitant l’avis d’un chirurgien. Je prends quand même un RDV à Curie que j’obtiens pour novembre. Gynéco qui insiste. Radiologue qui recommence (deuxième biopsie), évidemment dans les 2 cas l’anesthésie de la biopsie ne prend pas jusqu’au fond, donc prélèvements à vif et au final nouveau compte rendu d’anapath qui annonce une tumeur pas dangereuse du tout, un minuscule truc de 7 mm de grade 2 mais avec des micro-calcifications qui pourraient évoluer.
Le mot « cancer » est lancé…. Je rappelle Curie en insistant pour avancer le RDV avec le chirurgien, mais c’est impossible, mon cas n’est pas une urgence, au passage petit discours culpabilisant de la secrétaire sur le fait que d’autres femmes elles…. Ok j’ai compris, obligée d’attendre. Et rien en attendant, pas de bilan d’extension programmé, pas de possibilité de voir un psy de l’hôpital avec moins d’un mois d’attente, je me suis rabattue un jour où l’angoisse était insupportable sur la ligue contre le cancer qui a une permanence téléphonique, ils m’ont écouté ils ont été merveilleux.
Attendre semble être non pas un maître mot mais bien un traître mot dans ces histoires de cancer…
Le chirurgien ne voit pas la bête comme si inoffensive que cela, il se méfie, on sent le poids de son expérience… Tout en essayant de se montrer rassurant il m’annonce une ablation totale du sein car, comprenez vous, c’est une bombe à retardement. RDV pour la chirurgie un mois plus tard, pas de panique, rappelez vous, ce n’est quand même pas une urgence, la bombe n’a pas exposé…. Et puis ce temps passe si vite, l’ablation a lieu… Je sors assez rassurée, les ganglions sentinelles semblaient sains et on ne m’a même pas fait de curage ganglionnaire…. C’est le temps d’une nouvelle attente, je passe des fêtes de fin d’année relativement rassurée. Nouveau RDV avec le chirurgien en janvier, c’est la chronique de salle d’attente numéro 1, il m’annonce que au final la lésion cancéreuse s’étend sur 8 CM et est de grade 3 (sur une échelle de 3) !
Je pouvais difficilement imaginer pire… LA BOMBE A EXPLOSE AU FINAL ! ! ! !
Pourtant, si, pire c’est possible, un des ganglions a été révélé atteint grâce à une nouvelle technique, comprenez que cela ne se voyait pas aux ganglions sentinelles donc il faut prendre une décision…
Il est devenu aussi brusquement urgent de rencontrer l’oncologue et le radiothérapeute et de réaliser le BILAN d’EXTENSION…
C’est quoi ? Concrètement cela consiste en, d’une part, voir le reste de l’équipe médicale et, d’autre part, subir différents examens pour aller vérifier macroscopiquement (on ne voit rien en dessous de 3 mm environ selon les techniques) si le cancer s’est étendu à d’autres organes et où…
De tous les trucs terrorisants, cette période où l’on regarde petit bout par petit bout où la bête à pu aller m’a semblé la plus effroyable.
Mais avant, je dois rencontrer les deux autres médecins de l’équipe qui me suit, l’oncologue et le radiothérapeute et voir une infirmière…
Salle d’attente du bas, attenante à la salle d’attente du chirurgien, j’attends de rencontrer l’oncologue. L’oncologue, c’est une femme dans mon cas, c’est un médecin spécialisé dans le cancer. Logiquement je devrais parler de la cancérologue et ce mot m’échappera sans doutes quelques fois, mais il y a une olmerta sur ce mot. Non non non madame, ne dites pas « cancérologue » dites « oncologue », je n’ai pas encore osé demander pourquoi mais vous êtes témoins de à quel point je suis obéissante n’est ce pas…
Dans cette salle d’attente, je regarde mes pieds. Oui je sais, vous êtes tous devenus très forts pour y reconnaître mes signes d’anxiété. Je regarde par terre et je vois qu’il y a des carreaux noirs et blancs, un embryon de pavé mosaïque en somme pensais je.
Je regarde mon planning, les RDV pleuvent, dans la même semaine il y aura l’oncologie, une infirmière, le radiothérapeute, deux scintigraphie, des échographies. La radio des poumons est déjà faite, elle n’a rien montré, ouf pour mes poumons.
Aujourd’hui encore le haut parleur crachote un pseudo jazz affreux. J’ai horreur de ce bruit de fond qu’on nous impose partout. La salle est quasiment vide, c’est inhabituel, je pense qu’on est arrivés très très en avance. Et encore, on a même eu le temps de faire un tour à la rue Moufetard en arrivant et de s’acheter une BD, le tomme 5 des naufragés d’Ythaq. A peine arrivés, pendant que je scrutais convulsivement la salle, mon chum, tout aussi convulsivement s’est jeté sur la BD tel un coq sur du grain…
Il y a une seule autre personne dans la salle, une dame d’un âge de cheveux blancs. Comme elle n’a pas l’air tellement âgée mais qu’elle a de magnifiques cheveux d’un blanc immaculé je me demande si c’est la chimio qui donne ces cheveux comme cela. Ma mère aussi après sa chimio elle a eu des beaux cheveux blancs. Je la regarde et me demande si moi aussi après… Non, c’est idiot, je ne vais pas me retrouver avec des cheveux blancs à 38 ans. J’essaye d’entamer une conversation avec cette dame, je ne sais pas quoi dire alors je parle de ce haut parleur qui fonctionne mal et qui rend cette musique encore plus insupportable. Elle me sourit et marmonne quelques mots. J’ai l’impression qu’elle n’a pas trop envie de parler alors je n’insiste pas.
La doctoresse arrive et fait signe à cette dame de rentrer. Et là, j’hallucine, chacune passe par une porte différente. Là encore il y a la porte du médecin et la porte à SAS du patient. Décidément, c’est une manie ici.
Que je DETESTE cela ! Cela fait vraiment « ici on ne mélange pas les torchons et les serviettes ! ».
Les personnes suivantes arrivent, deux femmes et un monsieur. Je les reconnaît ! Ils étaient aussi dans la salle d’attente la dernière fois. Eux aussi me reconnaissent, nous nous saluons. C’est agréable, cela fait « petit monde ». Cela donne soudainement à cet espace un air plus humain. Ces gens papotent entre eux de tout et de rien, j’entends des bribes à propos de l’achat d’une nouvelle robe de chambre, je me sens indiscrète alors je reporte mon attention sur mon chum histoire de voir si je vais réussir à lui piquer la BD mais il est plongé, incrusté dedans, je n’ai pas le cœur de l’embêter. J’attends… Je pense, je pense à ma copine « M », d’hôpital, ma copine de cancer, « M » aussi trouve que cette ségrégation des portes est désagréable…
Enfin on m’appelle. Nous entrons donc dans le SAS. Dieu qu’il est petit ! Mais c’est de pire en pire ces trucs là. Heureusement on nous ouvre quasiment tout de suite. Pourquoi nous avoir fait passer par là, puisque je n’étais pas censée me déshabiller la porte normale eut été plus simple non ? Oui je sais je fais décidément une fixation sur ce SAS…
L’oncologue me met à l’aise tout de suite, elle va prendre le temps de répondre à toutes mes questions, elle va tout m’expliquer au niveau de détails que je demande. Franchement on peut difficilement imaginer médecin plus patient et gentil. Les mots se succèdent, je rentre dans le monde de la cancérologie et il va me falloir acquérir du vocabulaire… Tumeur infiltrante, carcinome, grade, index mitotique, marqueur HeR2, récepteurs hormonaux, embols, ganglions sentinelle, micrométastases, curage axillaire, hormonothérapie, FEC, TAX et TER, PAC, aplasie, tests génétiques… J’entends, je comprends, je demande, nous discutons.
Je sais que chacun réagit différemment face à sa maladie, moi j’ai besoin de comprendre ce qui se passe et les traitements de le comprendre jusqu’au niveau biochimique. Cette femme l’a compris et admis, elle m’explique tout avec une patience merveilleuse. Elle se désigne comme ma référante au niveau de leur équipe et m’explique que le soir même le staff discutera de la question d’un curage axillaire pour mon cas. La question se pose car les ganglions sentinelles semblaient sains mais à l’immunohistochimie grâce à une nouvelle technique de marquage, ils ont repéré des micrométastases de moins d’un millimètre sur un ganglion. Ils n’ont pas de recul sur ce genre de situation puisque ces détections sont récentes d’où le problème de la décision du curage ou non.
Je comprends à présent, aussi je donne ma position… Je préférerais le curage, même sachant le risque de handicap qui peut en découler, même sachant que la probabilité qu’il soit fait pour « rien » (que les autres ganglions soient sains) est élevée. Pour deux raisons, d’une part parce que sinon nous n’auront jamais ces informations, or elles peuvent changer le type de chimiothérapie à appliquer et d’autre part parce que cela diminue « mécaniquement » les possibilités d’extension de la tumeur et avant tout je tiens à rester en vie longtemps… Je donne ma position tout en précisant que ce n’est pas une intrusion dans leur « pouvoir » médical que j’accepterai la décision du staff quelle qu’elle soit, ce que je veux juste dire par là c’est que s’ils prenaient la décision de réopérer je ne leur en voudrais pas, même si à l’arrivée cela pourrait sembler « inutile » ou mutilant pour moi. Je précise tout cela parce que je comprends à quel point ce genre de décision est difficile et que je sais que de nos jours les médecins peuvent malheureusement craindre des procès. Je veux rentrer dans une relation de confiance et j’apprécie d’autant plus qu’on me demande mon avis. J’obtiens aussi la permission de prendre un RDV pour des tests génétiques, RDV que j’aurai pour 9 mois plus tard sachant qu’ensuite il y aura encore un an d’attente pour les résultats.
RDV suivant, le radiothérapeute, je n’ai pas le temps d ‘attendre, on m’attendait. Là encore il y a un SAS… Grrrrrrrrr….
Ce médecin est là encore vraiment gentil et à l’écoute. Il est là pour m’expliquer la radiothérapie qui fera suite à la chimiothérapie, c’est à dire des soins qui auront lieu en automne prochain…. Moi je suis surtout préoccupée par le fait que l’autre sein n’a toujours pas été exploré alors que je sais qu’il y a des nodules dedans. J’explique cela. Pour la première fois un médecin me prend vraiment au sérieux sur ce sujet. Il lui semble effectivement très important de regarder ce qui s’y passe et me prescrit ENFIN l’exploration du sein droit…
Je sors, là encore je suis attendue, aujourd’hui c’est le marathon des RDV, je dois voir une infirmière qui va m’expliquer tout cela. Elle a aussi un petit questionnaire psychologique. Je hausse juste un sourcil, ils ont des psy dans l’hôpital, pourquoi le dépistage des problème psychologiques lié à la maladie est-il fait par des gens qui n’y connaissent manifestement pas grand chose. Mais je ne dis rien à ce propos, surtout ne pas vexer les gens et puis je me dis qu’ils n’ont sans doute pas trouvé d’autre moyen de le faire. J’ai bien vu qu’ils manquent de psy, vu les difficultés à avoir un RDV… L’infirmière est gentille, elle m’explique la radiothérapie, puisque du coup avec le radiologue nous avions parlé de l’autre sein, je luis dis quand même que je préférerais qu’on me ré-explique la radiothérapie un peu avant de la faire plutôt que 6 mois avant. Je suis surtout intéressée par la chimiothérapie mais c’est un autre médecin et une autre infirmière qui devront me donner plus de détails. Elle me donne des informations très utiles sur la possibilité de voir une diététicienne (la chimio fait grossir) sur l’assistance sociale, sur le service de psychologie, sur les prothèses, sur les vêtements en coton larges conseillés pendant la radiothérapie, enfin des tas et des tas d’informations.
Je ressors de cette journée la tête farcie d’informations mais complètement lessivée.
Un vrai marathon en effet :-o Au moins, l'écoute aura été au rdv ! Bisous.
RépondreSupprimerje maintiens que ce que tu écris sera utile, indispensable, à celles qui passent par là.
RépondreSupprimerje suis contente de voir que tu es entourée de professionnels humains et à qui tu peux t'ouvrir, n'est-ce pas l'essentiel finalement , être écoutée et comprise...
plein de bisous.
salut ma belle, c'est severine des essentielles...
RépondreSupprimeren lisant ton message, je me suis rappelé ce que signifie le mot "patient"....ben oui :)
mais comme je dis tout le temps, je prefere attendre un peu plus et être bien suivi :)
je t'embrasse fort fort fort
severine
As tu compté le nombre des carreaux du pavé mosaïque lorsque tu regardais tes pieds ?
RépondreSupprimerLa prochaine fois que j'en verrai un, je te ferai un clin d'oeil...Ce sera bon pour nos anxiétés...
Bises...