samedi 26 janvier 2008

Humains

Depuis longtemps je suis comme vous, je constate les abominations qui nous entourent. Lisez Névrosia, je suis parfaitement d’accord et malheureusement la liste est interminable de toutes les horribles histoires que nous pourrions raconter.

Un jour j’ai décidé d’aller à Genève, à l’ONUSIDA et au BIT et de proposer mes services. J’avais pléthores de diplômes en poche, en sciences, en gestion humanitaire, en psychologie, je parlais 4 langues, j’avais vécu sur 3 continents, j’avais participé à de nombreuses associations, mené plein d’actions humanitaires. Je venais de finir une thèse sur le VIH, j’avais suffisamment de publications internationales pour estimer être connue. Enfin, j’avais vu souffrir et mourir suffisamment de gens, j’avais tenu la main à des patients terrorisés déjà dans les bras de la faucheuse, puis j’avais vu leurs corps découpés, retiré leurs cerveaux pour comprendre et soigner ceux qui suivent, avec tout cela il me semblait ne plus avoir d’illusions sur la mort…
Mais j’en avais encore sur la vie. Je voulais être utile, passer à l’action à grande échelle, changer les choses.
J’avais réussi à me faire recommander par 2 anciens ministres Sénégalais et d’autres personnalités connues et forte de ces lettres de recommandation, j’ai pu arriver dans le bureau d’un haut dirigeant au BIT… Pas à l’ONUSIDA par contre où on m’a fait « gentiment » comprendre que je n’avais pas les bons pistons.

Je suis arrivée au BIT. Je m’étais habillée correctement mais sans plus. J’ai attendu dans l’immense salon admirant les tableaux merveilleux et les œuvres d’arts offerts par des chefs d’état. Les gens autour de moi étaient tous habillés comme des gravures de mode. Jamais je n’avais à ce point ressenti ne pas être à ma place dans un monde où ceux qui décident pour les pauvres sont incroyablement riches…

Le monsieur du BIT m’a reçue gentiment. Il semblait impressionné par la somme des diplômes que j’avais pu cumuler. Je voulais travailler dans la section VIH du BIT puisque, travaillant sur les troubles neurologiques du VIH qui concernent 30% des patients car il me semblait assez utile de savoir l’impact de ces troubles dans le monde du travail. Le monsieur ignorait que ces troubles existaient, ce qui déjà m’a semblé étrange mais bon, ça arrive, je lui ai expliqué ce phénomène et en manifestant le plus d’humilité possible pour ne pas le heurter. J’avais fais une étude sur les moyens d’estimer l’impact sanitaire et social des actions engagées… Il paraît qu’on en parles beaucoup, de ça, de s’intéresser à ce que deviennent les sous et savoir si ce qu’on a fait à été utile aux gens…. Moi j’étais là avec mon plus grand sourire angélique à dire que non seulement je voulais aider les gens mais en plus mettre en place dès le départ des outils permettant d’évaluer l’efficacité de ce qu’on fait et de l’argent investi.

Franchement on m’a répondu gentiment, non vraiment, gentiment, que malheureusement j’avais trop de diplômes et que j’étais incasable et que l’ONU n’étais pas organisé pour s’intéresser à l’impact neurologique de pathologies infectieuses, neuro-psychiatrie et infectiologie étant deux choses totalement séparées. Non vraiment, on m’a répondu gentiment que évaluer l’impact était une chose formidable que beaucoup de pays ne voulaient absolument pas qu’on le fasse et que ce serait même dangereux. Et gentiment encore on m’a reconduite vers la sortie.

J’ai gardé de cette expérience un cœur brisé et la prise de conscience de ce qu’est le Machin. Un truc où les gens gagnent des fortunes et donnent les postes en fonction de gentillesses politiques ou de liens de famille. J’ai pensé que ça ne peut pas marcher. Je ne crois plus dans le Machin.

Jamais je n’aurai osé raconté tout ça avant d’envisager que de toutes façons comme je vais mourir, peut être même plus tôt que prévu cela n’a aucune importance. Et si je ne meurs pas jeune j’aurais au moins été un peu courageuse de mes opinions et mes actes une fois dans ma vie.

Je ne crois plus qu’en les petites gens. Les petites associations les petits gestes, les petites amitiés, les petites actions. Je crois en cette simple humanité qui nous a fait devenir amies, ma vieille voisine et moi, qui avons eu des vies si différentes, en la solidarité des voisins qui ont tous aidé cette vieille dame seule qui en retour nous faisait des confitures avec les fruits de son jardin… Et puis je crois que l’aide ne dois plus être unilatérale, car moi j’ai vu que tous ont à donner et que c’est mépris que de penser que les tout petits ne peuvent que recevoir. Je pense aussi que je préfère rester libre de mes choix et de mon cœur. Je ne crois plus à l’utilité des études en ce domaine, je ne crois plus dans les grands machins en général. Je suis devenue une Athée du grand Humanitaire…

Mais je continue d’agir, enfin je continuais parce que depuis quelques temps mes projets sont creux et que je n’ai plus d’énergie pour quoi que ce soit. Voyez ma petite association, ASE, je suis censée développer des projets internationaux. Mais je n’arrive plus à rien, je suis fatiguée, si fatiguée, je ne crois plus et j’en ai honte, en plus.

9 commentaires:

  1. on a tous quelquechose à donner, à commencer par l'amour dont notre corps et notre coeur regorgent et dont la plupart d'entre nous ne savent pas quoi faire. Et l'amour on l'a tous en soi, il suffit de savoir le donner, l'offrir, riche ou pauvre, malade ou en bonne santé, bac +10 ou bac -10, on peut toujours donner et recevoir. c'est le seul cadeau universel ;-)
    ta fatigue passera ma belle, le jour où tu remonteras la pente et ce jour là ton énergie en sera décuplée et tu nous feras tous avancer encore plus qu'actuellement avec tes jolies notes.
    bisous.

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  2. Nevrosia narre l'inacceptable, Tili raconte son expérience et toutes deux sont révoltées . La révolte est déjà une action positive , ne pas rester indifférent à l'injustice et agir à son niveau , la force reviendra avec le temps Tili ,c'est déjà une bonne chose que d'alimenter en écriture le blog . J'apprécie .

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  3. Mais, tu sais bien que les petites rivières font les grands fleuves. Ton action est très importante. Je comprends cependant ta déception :-D

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  4. C'est tres (trop) vrai ce que tu ecris, j'ai aussi fait ce triste constat de mon cote, mais il ne faut pas baisser les bras, et continuer avec les petites gens comme tu dis, qui realisent les choses les plus vraies ( et qui ne sont pas du tout petits en fait!!!), et donner ce qu'on peut (ca ca fluctue selon les jours). Pour terminer avec une petite note d'humour, comme dit mon papa militant, "la vie est une dure lutte".
    Courgae, ton energie reviendra, donnes toi le temps. Bises.

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  5. avant d'avoir une chance de soigner un peu le monde, il faut se soigner soi-même. Guéris d'abord et ensuite tu auras la force et l'énergie retrouvée pour agir pour les autres.

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  6. bonsoir,
    Cela fait quelques semaines que je te lis sans oser commenter.
    Tes billets me touchent par leur vérité, et l'énergie qui s'en dégage même quand tu dis ta fatigue.
    Je crois aussi que ce sont les petits pas qui font avancer.
    A bientôt

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  7. Pas de honte, Tili... ~ Comme le dit Tirui, tu graviras à nouveau des sommets une fois que tu seras "requinquée". Occupe-toi de toi, concentre ton énergie sur la guérison, sois un peu égoïste, et tu auras à nouveau beaucoup à donner. Becs

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  8. Je suis heureuse que tu racontes cette histoire, j'avais aimé t'écouter en parler et ça prouve qu'il y a des personnes qui ont envie d'aider le monde à aller mieux, au moins toi.
    Ce que tu as permis, sans gloire, est un énorme bienfait pour des miliers de personnes.

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  9. salut !
    je suis nouvelle ici, je suis venue vous lire via Moukmouk
    je reviendrai

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