lundi 19 novembre 2007

De sangs et de cœurs mêlés

Je parle ici de l’Afrique parce que je ne veux pas nommer précisément le pays dont le parle. Même si vous le devinez, ne l’écrivez pas SVP.

Je suis de cœur mêlé. Un mélange de cultures un croisement de vies multiples de couleurs et d’histoires. Mais mon cœur se brise.

J’y ai cru, moi, que les couleurs des peaux n’étaient qu’un aspect de chaque individu, aussi divers que les yeux, les nez les oreilles, et j’y crois toujours. Petite je ne retenais pas la couleur de peaux de mes amis, pas plus que vous ne pouvez dire si le lobe de leurs oreilles est collé ou décollé. Mais j’ai appris douloureusement que c’est important pour les autres. Ce que j’ai vécu, en Afrique, c’est une enfance paradisiaque, sans races, mais en prenant conscience petit à petit que la ségrégation est une affaire de richesses.
Les noirs, les blancs, les marrons, les basanés, tous ensemble par niveaux de vie… Quand tous sont riches, ça ne fait aucune différence mais impossible d’être amis avec des pauvres.

Pourtant je retiens de cette enfance une impossible intégration. En ayant de naissance la nationalité du pays, en parlant les langues les plus connues, en y vivant de puis toujours, en grandissant, il y a toujours eu des « copains » pour me dire qu’une blanche ne sera jamais africaine, il y a toujours des gens pour m’appeler par la couleur de ma peau « toubab, toubab eh toubah »… toubab, c’est « celui qui est blanc ».
Mais j’y ai cru, j’ai cru qu’en se développant le pays gommerait ces différences, que tous se marieraient entre eux, que bientôt il n’y aurait plus que des dégradés de marron. D’ailleurs c’est ce qui s’est passé, presque tous se sont mélangés, par couleurs ou par origines les sangs se sont mêlés. Mais pour autant les choses ne se sont pas arrangées. Les touristes qui venaient étaient constamment harangués, « si tu ne donnes pas de l’argent c’est que tu es raciste », « voler un blanc n’est pas voler ».
Pourquoi ?
Parce que l’Afrique ne se « développe pas » entendez que l’écart entre le niveau de vie (économique) des pays riches et de ces pays pauvres ne s’amenuise pas, il grandit.
Avec ces différences économiques accrues sont venus des maux inconsolables. La faim, la pauvreté extrême, les enfants qui mendient dans la rue ou bien sont battus au retour, le recul des droits des femmes, l’avancée des extrémistes religieux. Alors la haine arrive, celle des autres, ceux qui sont différents ou « riches ».
Mais pas n’importe lesquels… Ceux qu’on peut attaquer évidemment. Par différence de religion, par différence de couleur de peau, par différence d’idéologie politique ou autre…
Des richesses, il y en a besoin, il faut que ceux qui y croient investissent en Afrique. Mais qui va y croire quand la classe dirigeante s’empresse d’envoyer ses enfants et de placer ses biens en Occident ? Le mythe de l’occident salvateur n’a jamais été aussi fort. Mais même cette classe dirigeante je ne lui jetterais pas la pierre, je ne prendrais pas sa place pour tout l'or du monde, la tâche est trop dure pour moi, imaginez, comment sauver un pays pauvre ? Que faire ? Maintenir un combat d'idées et refuser de l'argent quand les gens ont faim ? Impossible, impossible.

Un immense combat a débuté en Afrique, celui des extrémistes, les combats d’idées passent par l'argent, et maintenant moi je vois un recul des libertés et des droits humains, et vu d’en France c’est dans l’indifférence totale.

Voyez, j’écris ces lignes parce que ici je suis en France, et aussi et surtout parce que je suis anonyme, sans cette anonymat je ne le ferais pas… par peur parce que je pense que aujourd’hui la liberté d’expression dans certains pays…

J’ai quitté l’Afrique, mes enfants n’y vivrons pas. J’ai fait comme presque tous mes amis qu’ils soient noirs, marrons, blancs, basané ou jaunes. Moi je suis de ces traîtres qui ont cru que l’occident était meilleur pour moi. De ces traîtres dont la majorité permettent à un nombre considérable de familles de vivre en Afrique, par l’argent qu’ils envoient… de ces traîtres qui en étant une des plus grosse source de richesse entretiennent le mythe de l’occident salvateur.
Est ce un mythe d’ailleurs ?

De ceux qui sont restés, de ceux qui ont investis sur place, de ceux qui font grandir de l’intérieur, il en reste de moins en moins. Comment leur jeter la pierre ? L’insécurité physique, économique et politique augmente de façon spectaculaire et ceux dont le statut de privilégiés se voit sans qu’ils ne fassent partie des « protégés » du gouvernement sont des cibles permanentes à présent. Comment imaginer que leurs enfants, leurs petits enfants puissent mener une vie heureuse ?

Une vie en Afrique puis une vie en France… Ai je vraiment cru que la France était meilleure ? C’est en France que j’ai découvert le racisme, je ne l’avais jamais identifié aussi clairement avant. Un racisme nébuleux, celui des blancs envers les noirs, envers les marrons, les jaunes, tout ce qui se voit, et indépendamment par contre de la richesse… étrange d’ailleurs, j’ai vu des blancs plus agressifs encore si le noir en face était plus riche qu’eux, et celui des blancs envers les blancs d’Afrique. « Sale enfant de colonisateur ! »… Etrange pour moi, d’une part mes parents n’ont jamais été colonisateurs de quoi que ce soit et d’autre part j’en ai connu, des descendants de colonisateurs et ce sont ceux qui se sont complètement fondus dans le pays avec amour.

L’espoir de l’Afrique réside peut être dans sa diaspora, à condition qu’on accepte ici ceux qui viennent acquérir des connaissances, du travail, ceux qui vont envoyer de l’argent à leurs familles pauvres, qui vont faire vivre des dizaines de personnes là bas, permettre à des enfants d’aller à l’école. Mais évidemment où est l’espoir si on renvoie ceux là et qu’on saigne ces pays de leurs intellectuels ?
J’entends les détracteurs me dire que nous n’avons pas de travail pour eux… Moi même suis au chômage…

Pour autant essayez de regarder plus loin. Les inégalités vont croissantes, les populations augmentent. Que vont faire ces gens qui ne peuvent pas manger à leur faim, ces femmes avec leurs enfants dans les bras ? Tous savent que en occident nous mangeons (trop) nous avons un toit, des idées humanistes, nous donnons l’apparence du bonheur.
Je ne pense pas que des frontières ou des lois puissent empêcher des pauvres de chercher à mieux vivre. Je pense que si le fossé se creuse, inéluctablement la violence va augmenter. Les actions pour venir et celles pour les empêcher de venir, seront plus violentes, les haines raciales et religieuses vont augmenter les humanistes seront broyés et les cœurs et les vies vont se briser.

Quelle autre solution que de partager, que celle des cœurs et des sangs mélangés ?

3 commentaires:

  1. il faudrait peut-être que certains se rappellent que nous avons tous la même origine, à la base, tous le même nombre de chromosomes (ou presque, malheureusement), tous 2 bras pour s'enlacer, 2 jambes pour courir l'un vers l'autre, 2 yeux pour s'admirer, une bouche pour s'embrasser, un nez pour se sentir et un cou pour le mettre, le nez, justement...
    très joli ton texte en tous les cas.

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  2. Très joli texte effectivement.
    Dans mes chroniques du racisme ordinaire je donnais mon point de vue de "marron" (comme disent mes enfants) en France, par rapport à mes deux cultures (même si en réalité la française est largement majoritaire). C'est très enrichissant de lire ton analyse des choses.

    Dans mon nouveau travail je décortique chaque jour la vie d'étrangers venant de pays pauvres qui tentent d'élever leur enfants avec dignité en France ou même juste d'y trouver leur propre salut.
    Je ne m'habitue pas et n'accepte pas que mes collègues les considèrent comme des profiteurs, voire des nuisibles.

    Merci et n'hésite pas à partager encore tes ressentis à ce sujet !

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