mardi 5 janvier 2010

De moi à vous et de vous à moi,

En ce début d’année heureux, à l’heure où nous souhaitons tous le meilleur à ceux que nous aimons, je réfléchis aussi, un peu, sur mon parcours.
Vous savez que ça m’arrive.
Et quand je regarde derrière moi il y a une vie intense en émotions en pays traversés en cultures partagées en amitiés préservées. Et puis il y a cette fracture, ces deux années de Cancer, un étrange cauchemar qui m’à profondément changée.
Certains diraient en mieux, peut être, je suis plus sûre de moi, je croque la vie et je partage mes sourires.
Mais derrière je sais ce qui est à l’origine de cette nouvelle vie. Le cancer a fracassé mon éternité, vous savez, cette façon que l’on a de penser que la mort ne concerne que les très vieux. La mort et la maladie m’accompagnent à présent dans chacun de mes gestes, dans les tendres moments avec mes enfants, dans mes décisions, dans ma vision du futur. Si je semble plus sûre de moi c’est que je n’ai plus d’échelle de valeur des gens, tous égaux devant la vie et la mort. Je ne reconnais personne ni meilleur ni moins bien que moi et donc je ne me prosterne pas.
Professionnellement c’est l’explosion, mon nouveau cabinet rencontre un franc succès. Bien sûr cela fait grincer des dents. Comment comprendre qu’un jeune entrepreneur parte pendant 6 mois quand soit même on ne se le permet pas ? J’assume le paradoxe tant bien que mal.
Dans ma vie familiale et amicale, je dois retrouver une nouvelle place. Jusqu’ici j’ai été surprotégée du fait de ma maladie et la peur que tous avaient de me perdre. La tendance serait de continuer, d’autant que la plupart savent que le risque de métastases s’étale sur 5 ans. Mais, si je remercie à présent tous ceux qui m'ont ainsi protégée, je voudrais aussi dire que à présent ce n’est plus souhaitable.
J’ai besoin d’être vue autrement qu’en malade fragile, j’ai envie qu’on constate ma force et ma capacité à moi, aider les autres à mon tour. Jusqu’ici j’ai eu l’impression qu’on m’accordait quasiment tout ce que je souhaitais, un peu comme on donne la dernière cigarette au condamné à mort et moi je souhaitais encore et encore, des projets à n’en plus finir pour conjurer le sort.

D’où ce voyage autour du monde.
Pas forcément souhaitable professionnellement mais une formidable conjuration de la maladie et de la peur.

Maintenant que nous mettons en place ce nouvel équilibre je me pose des questions sur ce voyage. J’ai hontes de la pollution que cela va engendrer, je suis mal à l’aise de partir quand tous me demandent professionnellement. Pourquoi ne pas laisser le Chum aller travailler autour du monde et moi rester sagement et les enfants dans leurs écoles respectives ?

Heureusement il y a mon Chum pour entendre. Le Chum fait la même analyse mais pense aussi que nous ne devons pas revenir à la “vie d’avant”. Nous devons profiter de la vie et apprendre à nos enfants à être heureux. Nous savons que l’opportunité de ce voyage à peu de chances de se reproduire et donc si on ne le fait pas maintenant ce sera sans doutes “jamais”. Il a son poste, je dois lancer mes travaux de recherche et donc demander d’abord des financements, cela je peux le faire de n’importe où. Prendre des patients, cela peut attendre 6 mois de plus, nous ne sommes pas pris à la gorge financièrement. Lui a déjà donné énormément au niveau professionnel et à besoin de souffler. Pourquoi s’empêcher de vivre cette aventure ?

Nous avons une nouvelle vie devant nous. Dans les 2 ans qui viennent elle va connaître des chamboulements considérables et nous devrons nous adapter en permanence. Face à cela je regarde ce futur avec curiosité et cet immense bonheur d’être en vie mais aussi je me vois si changée que j’en arrive à avoir cette étrange sensation de ne plus me connaître moi même. Pour ceux qui m’entourent ce re-positionnement doit être difficile aussi.
Nous partons vivre nos vies comme on part à l’aventure, j’imagine que le sol tremblera plus d’une fois.

13 commentaires:

  1. Profiter de la vie tous les jours car elle peut finir demain, c'est ma devise ... et les projets pour l'année à venir semblent bien sympas, même s'ils vont nécessiter des avions !!

    Et madame la spichologue, attention au syndrome du survivant ;-)

    Très belle année de découvertes en famille, voyager avec des enfants c'est absolument passionnant !!

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  2. chaque chose en son temps
    tout d'abord tres belle annee a toi, et qu'il y en ai pleins d'autres assuremment
    ensuite ce voyage va vous permettre de vous retrouver tous les 5, de vivre des choses pleinement entre vous

    quant aux avions, ya bien sur la rame, mais le voyage va etre un peu plus long et puis dis toi que tu ne fais pas ca ts les ans !!

    bises

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  3. C'est rigolo parce que hier au volant je m'étais fait la réflexion que depuis les évènements ayant un peu transformé ma vie, je vivais chaque instant comme l'éventuel dernier. Devenue mortelle en quelque sorte :) et tu le dis mieux, bien mieux que ce que j'aurai voulu écrire.

    Et sinon, va vis et reviens tout simplement, la vie est si courte ! (pour la taxe carbone, cela ne sera pas cher payé au vu de ceux que tu vas faire voyager :D)

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  4. Beaucoup de resonnance pour moi dans ce billet , les projets , le bonheur , le voyage tous mes voeux pour cette grande décision et cette belle école de la vie pour toute la famille et ce beau cadeau pour les enfants.

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  5. magnifiquement bien écrit. La honte de la pollution??? ne te gache pas le plaisir du voyage pour ça ! le reste de ta façon de vivre est en cohérence avec toi-même... Et dis toi que si tu avais 3 ans pour le faire , ce voyage, tu aurais pris un bateau à voile pour aller à Dakar puis en australie.... L'avion est qd même inévitable de nos jours, pour se déplacer !

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  6. un texte qui m a laisse sans voix... ta force me fait sourire... et c est des etoiles plein les yeux que je t imagine.
    Continue comme tu le sens dans ton coeur et dans ta tete... ma maman me disait toujours de "faire les choses pour ne rien regretter plus tard"... il semble que tu ai la meme philosophie... je trouve ca beau et tendre...
    des bisous

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  7. Ce qui est clair pour quelqu'un est exprimé clairement. Et tu es limpide Tili!
    Quelqu'un a dit: "voyager c'est aller à la rencontre de soi-même". Et j'y crois...
    Bon trip à toi!

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  8. Si tu ne le fais pas maintenant, tu ne le feras jamais, donc vas-y.

    Je connais une famille qui est partie 2 ans avec ses 2 enfants faire le tour du monde. Puis, ils sont restés un moment en Asie. Ils sont revenus en France mais ne sont restés qu'un an. C'est le risque! une fois que tu goutes à ce genre de vie, attention à ne pas devenir accro!!!

    Pour les grands trajets, tu ne peux pas éviter l'avion, mais sur place, du prendras les transports en commun!!!

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  9. De la pollution (réfléchie, atténuée le plus possible) mais quel apprentissage de vie pour tes enfants (et pour vous) ! Vous voyagez autour du monde pour rencontrer, voir ailleurs... c'est important pour la planète aussi cette richesse de regards !
    Et pour le après-maladie... il y a un temps entre "survivre" et "vivre", une période où certains comprendront les changements en toi, et d'autres non, ou plus difficilement. Tu vas te redécouvrir et retrouver le lien entre celle d'avant - qui n'est pas morte, juste changée - celle de maintenant - et celle du futur... on ne dirait pas comme ça, mais quand même c'est un beau chemin à faire :-)
    Très belle année 2010 !

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  10. Il n'y a rien de mieux à dire que ce qui n'a déjà été dit dans les commentaires précédents.
    Profite! Ton voyage me fait rêver! Dommage qu'on ne se croise pas au Canada...alors que j'habite pas loin de la région parisienne à la base...
    Biz

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  11. Ta capacité de recul et de remise en question est admirable Tili. Vous avez tous besoin de ce voyage, comme matérialisation de tourner la page et d'en commencer une nouvelle complètement différente... on ne refuse pas une telle opportunité :)

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  12. Riens à ajouter... si ce n'est que si tu n'y vas pas, je prends ta place ! :-)

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  13. J'aime ton amour de la vie ! Et c'est contagieux ! Merci Tili.

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